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JUKE-BOX
Juke-Box Granuvox
Sonorama
Théatrophone

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COURT-CIRCUIT

© ALAIN DE FILIPPIS

1991

 Conscient du fait que la musique électroacoustique reste inconnue d'une majorité de gens, il m'a semblé nécessaire de donner ici quelques clefs permettant une approche simplifiée de cette expression.

Cette musique bénéficiant de plusieurs dénominations,
quelques définitions s'imposent d'emblée:

MUSIQUE CONCRETE: terme inventé en 1948 par Pierre SCHAEFFER pour caractériser une musique élaborée à partir de sons acoustiques remodelés intentionnellement.

MUSIQUE ÉLECTRONIQUE: développée en Allemagne au début des années 5O par des compositeurs comme Karlheinz STOCKHAUSEN.

MUSIQUE ÉLECTROACOUSTIQUE: synthèse des deux précédentes, ce terme plus courant a tendance à disparaître au profit de MUSIQUE ACOUSMATIQUE, acousmatique désignant une situation d'écoute particulière, en l'occurrence lorsque la source du son n'est pas visible (au même titre que la radio, la voix-off au cinéma, le téléphone ou le disque).

DE QUOI S'AGIT-IL?

Dans un premier temps, il s'agit de la captation de sons divers (instrumentaux, naturels, électroniques ou bruits) au moyen du micro et du magnétophone. Ces prises de sons s'accompagnent généralement d'un jeu avec le matériau sonore choisi (grattements, frottements, percussions, etc.), offrant ainsi un riche éventail d'expressions. Ce matériel de base va subir ensuite un certain nombre de traitements par le biais du studio. Ces traitements peuvent s'appliquer à une multitude de paramètres: l'enveloppe du son, sa durée, son timbre, sa hauteur (changement de vitesse de lecture du magnétophone) ou sa forme (lecture inversée par exemple). Ces nouveaux corps sonores sont ensuite structurés grâce à la technique du montage, opération équivalente au montage d'un film ou à l'agencement des notes sur une partition. Le mixage, qui s'apparente sur bien des points à l'orchestration dans le domaine instrumental, permet enfin la répartition spatiale des différentes séquences et l'équilibre des intensités au sein de la composition.

L'interprétation instrumentale de cette musique étant totalement impossible, sa diffusion publique requiert nécessairement la mise en place d'un dispositif dans lequel le haut-parleur tient le rôle principal. Si l'on voulait caractériser la différence entre une écoute domestique d'une pièce électroacoustique (sur une chaîne Hi-Fi) et sa diffusion en situation de concert, on pourrait comparer cette dernière à une diffusion d'images sonores en trois dimensions sur un écran haute-définition.

MUSIQUE DE MACHINES?
OUI MAIS.

Depuis ses origines, le développement de cette musique a généré sans cesse de nouvelles technologies. Ainsi sont nés des outils aux applications multiples comme le DX7 Yamaha issus des recherches de John CHOWNING sur la modulation de fréquence, le Synclavier de Jon APPLETON ou la fameuse machine 4X de l'IRCAM. Cette technologie permet une extension considérable du champ d'expression musicale: création de structures rytmiques injouables humainement, prise en compte de la totalité du spectre sonore, création de timbres inédits ou jeu avec les facultés de perception de l'auditeur. Cependant la confusion entretenue entre recherche et création a longtemps porté préjudice à la musique électroacoustique. Il ne s'agit en fait que d'une technologie au service de la création musicale, peu importe si cette musique est faite sur magnétophone ou sur ordinateur, ces outils n'ont pas plus d'importance que la guitare ou le piano, ils ne sont simplement que des vecteurs permettant l'expression du compositeur. Ici, comme dans toute forme d'expression artistique, la valeur d'une création se caractérise par le propos de son auteur, non par les moyens techniques mis en jeu pour sa réalisation.

AU DIABLE LES A-PRIORIS!

La musique électroacoustique, assimilée aux musiques dites sérieuses, reste considérée comme un acquis culturel daté (les années 195O-196O). A qui la faute? Sans doute aux studios de recherche et aux compositeurs qui, longtemps, ont perpétués des dogmatismes aussi puissants que le sérialisme dans le domaine instrumental. Nombre de structures, en France notamment, se sont écartées du public par de vaines querelles de pouvoir et par des débats esthétiques surannés. De plus, la plupart des officiants de cette discipline n'ont pas accepté d'intégrer la communication dans leur démarche, attitude paradoxale pour des utilisateurs du haut-parleur!

Fort heureusement cette inertie subit depuis quelques années les coups de boutoir d'une nouvelle génération de compositeurs. Ceux-ci affirment sans complexes leurs partis-pris esthétiques au travers d'ouvres lyriques et émouvantes.

COMMENT L'ECOUTER?

Pour l'auditeur, l'écoute préalable d'une pièce électroacoustique suffit souvent à caractériser l'ensemble des démarches, alors que le répertoire existant est aussi riche et varié que celui du rock et du jazz (d'ailleurs ces termes sont devenus génériques et on leur appose systématiquement un qualificatif pour définir le style musical). Elaborée à partir de sons de toutes origines, l'électroacoustique peut véhiculer l'auditeur au sein d'univers sonores insoupçonnés pour peu que celui-ci laisse ses préjugés au vestiaire. Cette musique offre également un autre rapport au temps, la pop et la variété nous ayant habitué à une écoute rapide et superficielle de la musique. Ici il faut prendre le temps et se rendre disponible.

L'écoute d'un disque permet généralement d'imaginer l'instrumentiste en action, pourquoi - lorsqu'il s'agit d'électroacoustique- ne pas imaginer autre chose? A chaque son que perçoit notre oreille nous associons généralement des images liées à notre vécu personnel. Cette faculté, que possède tout un chacun, est peut-être la méthode la plus simple et la plus efficace pour appréhender cette musique qui se révèle alors un formidable tremplin pour l'imagination. Nous quittons notre rôle d'auditeur passif pour illustrer une 'histoire' sonore avec nos propres images.

L'expérience du concert et dans une moindre mesure l'écoute d'un disque reste donc pour l'auditeur le seul moyen de découverte de ce plaisir musical. A lui de faire preuve de curiosité et de se faire sa propre opinion au travers de cette expérience.